Signification et origine du mot "Mafubo"

Issu de la culture rwandaise, le mot MAFUBO qui est devenu un nom avec un destin international. Facile à écrire, à lire et à prononcer, MAFUBO veut dire la confidente avec une connotation globale pour désigner : la solidarité entre femmes.

MAFUBO c’est une femme qui a beaucoup de compassion envers l’autre, c’est celle qui s’oublie pour soutenir et surtout épargner à l’autre, la honte, l’humiliation et la déchéance.

MAFUBO désigne une amie à qui on se confie sans filet et sans retenue, surtout quand on a besoin d’être soutenue et protégée.

Mais il ne faut pas oublier qu’en ces jours, une MAFUBO c’est celle qui rit avec toi, qui pleure avec toi mais aussi celle qui est là pour rehausser la qualité et la joie de tes petits bonheurs quotidiens.

Figure 1: Des amies, autour de la fondatrice de Mafubo pour une fête tradition rwandaise. Dans sa famille

 

C’est une forte expression de la solidarité féminine, un des principes majeurs de la Fédération Mafubo Internationale.

Chaque femme devrait être une Mafubo pour une autre, et chaque femme devrait avoir une Mafubo dans sa vie.  L’important, c’est que chaque femme devrait mériter qu’une autre femme l’appelle sa Mafubo, c’est la plus grande qualification pour souligner qu’une femme est fiable, qu’elle mérite toute la confiance, qu’elle est généreuse, disponible et empathique. Ce sont ces femmes qui peuvent tresser une chaîne de solidarité solide et capable de changer le monde. Cette chaine doit débuter autour de nous dans nos familles, nos communautés pour ensuite faire tache d’huile et aller plus loin. C’est ainsi que nous bâtirons une solidarité active et sans frontière, avec les nouvelles technologies de communication, nous n’avons plus d’excuses. Nous pouvons le faire.

MAFUBO  =  SOLIDARITÉ FÉMININE

La longue histoire de l’origine du mot.

La première fois que ma grand-mère m’a raconté l’histoire de l’origine du mot MAFUBO j’avais 6 ans ; je n’y ai rien compris ni rien retenu sauf le nom. Elle avait l’habitude de m’appeler sa Mafubo et je lui répétais que je m’appelais Monique. Elle était déjà très vielle et je croyais qu’elle oubliait mon nom. Elle m’a dit que je pouvais m’appeler Monique chez les blancs (c’est comme ça qu’elle appelait chez-nous parce que nous portions des chaussures ; en 1961 les chaussures n’étaient pas très courantes sur les collines rwandaises) mais que chez-elle je m’appelle Mafubo. Elle prononçait ce mot en me serrant très fort dans ses bras et comme je m’y sentais si bien, j’ai conclu qu’être Mafubo pour ma grand-mère c’était super bon. Ça a duré jusqu’à sa mort,  j’avais 13 ans.

À 12 ans, en 1967,  je suis allée dire au revoir à ma grand-mère parce que je devais entrer à l’école secondaire sous le régime d’internat, elle n’était pas contente que je doive quitter ma famille pour aller vivre avec des étrangers. C’est ce soir là qu’elle m’a donné une leçon de l’hygiène intime expliquée avec douceur et détails, je lui dois beaucoup à ma grand-mère. De fil en aiguille, elle m’a alors expliqué ce qu’est « gufuba »,  verbe qui a donné le nom Mafubo. Elle me racontait qu’à l’époque où elle était un peu plus vieille que moi mais pas de beaucoup, on lui parlait déjà de la marier à mon grand-père (vers fin 1880)..

Le crépuscule dans les montagnes de Nkomero où habitaient mes grands parents m’ont toujours impressionnées et je pense que c’est de nos causeries en regardant le coucher du soleil au-dessus des montagnes que me vient mes capacités de conteuse et mes plus beaux souvenirs d’enfance.

 

 


Figure 2 : Une grand-mère africaine qui fait de sa petite-fille l’héritière de son pouvoir de gardienne de la tradition

 

Alors en me montrant les montagnes loin de nous, au-delà de la rivière rouge (Hakurya y’amazi atukura ça sonne mieux en langue d’origine), elle me dit qu’il y avait deux femmes un peu spéciales. Pendant que de tout temps les belles-sœurs ont été des ennemies farouches ces deux-là étaient des amies inséparables et elles étaient devenues une légende. Elles ont vécu comme ça jusqu’au grand âge où chacune voulait mourir avant l’autre parce qu’elle ne saurait quoi faire de la vie sans son amie. Inévitablement l’une d’elle épuisée arrive à sa fin et l’autre la veille pour que ça soit elle qui l’accompagne en douceur en lui chantant des berceuses.

À cette époque, la plupart des hommes avaient commencé à porter les habits en tissus de coton que les arabes vendaient dans le pays. Auparavant les pauvres portaient des pagnes en écorce du ficus, et les plus riches portaient des morceaux de peaux de vaches bien travaillées par des tanneurs (abakannyi) et assouplies par une longue procédure que certaines femmes maitrisaient. On marchait des jours pour aller chercher leurs services.

À cette époque, chaque personne, homme ou femme, a toujours possédé une seule tenue vestimentaire qu’elle jetait lorsqu’elle était usée pour mettre immédiatement la nouvelle acquisition. Même rituel quand ils commenceront à porter les pagnes en coton vendus par les arabes.

Que ça soit les écorces de ficus travaillées, les peaux de vaches finement tannées et assouplies ou les pagnes en coton, ça se portait de la même façon : Un autour de la taille un autre noués à l’épaules au cas il ferait froid.

Ce fait de n’avoir qu’une même tenue faisait qu’ils en prenaient bien soin.

 


Figure 3 : Le ficus dont les écorces ont longtemps habillé les rwandais.

 

Figure 4: L’habit terminé est curieusement très doux et chaud s’il fait froid.

Ma grand-mère m’a raconté qu’en ces temps-là les gens refusaient d’enterrer les femmes le jour, parce que le corps féminin perd beaucoup de liquide qui ne sent pas bon après leur mort et ça sentait encore plus mauvais de jour en jour. À l’époque on enroulait les corps dans une natte pas étanche, et on le transportait sur une civière en lianes qui ne l’était pas non plus. Le liquide qui sortait du corps éclaboussait les porteurs à cause du balancement provoqué par la cadence des pas ou le vent et cette odeur ne quittait jamais leurs vêtements.  Les porteurs dégageaient une odeur forte et désagréable, on disait qu’ils sentaient la mort pendant longtemps. Ils devenaient la risée du village, ils n’étaient plus invités à boire la bière de banane ou de sorgho avec les autres et quand ils invitaient, personne n’y allait.

Figure 5 : la civière neuve et les traverses

Figure 6: Civière avec les nattes qui servaient de couverture et de draps

Figure 7 : civière avec les couvertures qui ont remplacées les nattes au fil du temps

Figure 8: Civière avec les porteurs encore utilisée dans les régions où les ambulances ou autres voitures ne sont accessibles.

Personne ne voulait plus porter le corps d’une femme, si ce n’est que les membres de la famille qui en payaient le prix d’exclusion pendant longtemps, ce en plus de la douleur de la perte d’un être cher.

Un jour, un homme qui n’avait pas de famille a perdu sa femme et il lui fallait convaincre les voisins de l’aider. Il a trouvé une idée : il a proposé d’enterrer sa femme la nuit et il conseilla aux porteurs de laisser leurs habits à la maison et de se couvriraient des feuilles des bananeraie pendant le trajet et le rituel de l’enterrement. Par la suite, l’enterrement des femmes la nuit est devenue la norme. Devenu une triste tradition; les femmes seront désormais enterrées la nuit comme des chiens, parce que pour enterrer les chiens on attendait la nuit pour les jeter où on pouvait.

Lorsque l’une des belles-sœurs sent que sa fin approche, elle confie à sa confidente que la mort ne lui fait pas peur parce qu’elle a eu une belle vie et qu’elle a bien fait ses devoirs, de fille, d’épouse, de mère et d’amie et qu’elle part heureuse de la laisser derrière parce qu’elle mettra de l’ordre derrière elle. Néanmoins, avec une profonde tristesse, elle mentionne à son amie  que son seul regret c’est qu’elle sera enterrée la nuit comme un chien. Ce passage était la hantise de toutes les femmes d’un certain âge : la nature et l’ignorance avaient offert une raison pour justifier ce traitement dégradant que subissaient les femmes.

La belle-sœur qui était en santé a répondu à son amie qu’elle devrait partir en paix et qu’au nom de leur amitié elle ferait l’impossible pour qu’elle soit enterrée au grand jour. Confiante, la mourante s’est apaisée et elle a mis peu de temps avant de fermer les yeux et mourir. Ce sont toujours les besoins qui motivent les inventions ; alors il fallait que la belle-sœur  trouve les moyens de tenir sa promesse afin que sa belle-sœur soit enterrée pendant le jour.

Avant d’informer son frère que sa femme était morte, elle s’est précipitée dehors et est allée dans le marais près de chez-elle, elle y cueillie une belle feuille de nénuphar qu’elle a ramené là où était le corps de son amie.

Figure 9: Le nénuphar

Elle l’a roulé en forme d’entonnoir, l’a tenue fermée au bout et elle a introduit la feuille à l’intérieur de son amie ; en ouvrant sa main, la feuille s’est déployée en bloquant le passage des écoulements. Elle a doucement sortie sa main et plus rien n’a coulé; son amie pouvait être enterrée pendant le jour.

Quand elle a informé son frère, que sa belle-sœur pouvait être enterrée pendant le jour parce que son corps ne sentait pas, ce dernier ne voulait pas la croire. Quand il l’a constaté lui-même, il a fait appel à un vieux septique du village pour qu’il confirme aux autres habitants que la défunte a été vérifiée et qu’elle ne coulait pas. Il l’a fait déposer dehors à plusieurs endroits dans des positions différentes, rien n’a coulé et on a pu l’enterrer pendant le jour.  Ce fut un événement marquant, tout le monde se demandait comment la belle-sœur avait fait; pourtant elle garda le secret. Elle disait seulement « na mufubye » ; terme difficile à traduire mais qui pouvait être compris comme « je l’ai emballée avec tendresse ». Ce verbe n’existait pas dans la langue rwandaise de l’époque, c’est pour cela que personne ne comprenait ce qu’il signifiait. Finalement quand elle expliqua qu’elle avait jumelé deux verbes pour exprimer correctement ce qu’elle a senti en faisant ce qu’elle a fait pour son amie, elle a déclaré que ce qu’elle a fait c’est « gufuba » qui est une combinaison de « Gufubika » (qui veut dire couvrir) et « gufunga » (qui veut dire fermer). Ce mot « gufuba » est né et rapidement la personne qui fait ce geste a été nommée Mafubo.

C’est un geste très intime qui peut être répugnant surtout qu’à cette époque il n’y avait ni gants ni instruments utilisés pour le même travail aujourd’hui. Savoir que quelqu’un va vous explorer les profondeurs de l’intimité avec sa main a autant d’importance que la personne qui accepte de le faire pour vous afin de vous épargner l’humiliation et la honte d’être traitée comme un chien en étant enterré la nuit. Dans la culture,  la femme qui fait ce geste s’appelle Mafubo, et celle à qui ont le fait a tellement été aimée qu’elle doit être honorée jusqu’à sa mort ; ces deux femmes méritent de s’appeler mutuellement Mafubo.

Aujourd’hui, la culture Mafubo est gérée avec des moyens actuels et efficaces. La solidarité entre les femmes garde sa place parmi les meilleurs outils pour faire un monde meilleur. Les Mafubo sont des filles, des femmes qui se mettent ensemble dans une démarche ordonnée et se mobilisent pour un seul objectif : épargner aux autres femmes la honte, l’humiliation et la détresse causées par l’extrême pauvreté et la précarité.

Des jeunes femmes comme celles-ci sont, dans 48 pays sur cinq continents, dédiées à l’autonomisation des femmes qui vivent dans la précarité.

Figure 10: Les membres de l’association de Mafubo Côte d’Ivoireaaa’y a

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